Née à Marseille en 1909, disparue en 1979, Odette Camp était devenue en 1927 l'épouse et la collaboratrice de l'excellent compositeur et chef d'orchestre Henri Tomasi (1901-1971). C'est grâce à une généreuse donation de M. Claude Tomasi, fils des deux artistes, que le musée Carnavalet possède depuis 1980 les quarante dessins faisant l'objet de cette exposition.
Après avoir peint à l'huile des paysages méditerranéens, puis bretons, Odette Camp, à partir de 1955, s'est consacrée entièrement à l’art du dessin. Sans oublier ses projets de décors pour l'« Atlantide », opéra d'Henri Tomasi, on doit noter que son talent graphique lui a permis d'explorer trois thèmes essentiels : celui des paysages de Corse, d'Espagne et d'autres contrées méditerranéennes; celui des arbres dépouillés, dont elle a tiré un parti très original; enfin celui du vieux Paris, qu'elle a développé en y mettant beaucoup d'âme, et qui est évidemment le seul des trois à trouver une place normale dans ce musée où l'iconographie historique de la capitale est à l'honneur.
Des vues de Paris dessinées par Odette Camp, le visiteur pourra faire deux lectures. La première est précisément d'intérêt iconographique. Pendant un quart de siècle, l'artiste s'est attachée à représenter fidèlement de multiples aspects de la ville, et notamment de son cœur historique, avec une préférence très nette pour les lieux d'humble apparence, surtout ceux qu'elle savait menacés de profondes transformations. Cela explique le titre qu'elle a donné elle-même à cette suite de dessins : Paris disparu. De ce Paris, qui n'est certes pas celui de la vie moderne ni du grand tourisme, Odette Camp a montré avec exactitude les rues, les passages, les canaux, les bâtiments souvent déchus.
Mais la nostalgie qui imprègne inévitablement cette enquête topographique nous invite aussitôt à la seconde lecture des dessins. Ces rues et ces bâtiments marqués par l'âge et privés de présence humaine composent un paysage fascinant dans sa mélancolie et d'une résonance parfois tragique. Le Paris disparu débouche ainsi sur un Paris de rêve.
La vision très personnelle d'Odette Camp s'est exprimée au moyen d'une technique non moins particulière. L'artiste s'est servie d'encre de Chine et de bâtonnets en bois. Sa maîtrise du blanc et noir et la subtilité de son clair-obscur lui ont permis de fixer sur le papier les inoubliables valeurs du paysage essentiellement minéral que Paris offrait à son interprétation.
BERNARD DE MONTGOLFIER Conservateur en chef du Musée Carnavalet, 1983